Lilybulle.de.bonheur

Le bonheur, ce n'est pas d'attendre que les orages passent, c'est d'apprendre à danser sous la pluie - Sénèque

RenCoNtRe avec Jean-Marc Terrel

Né en Afrique centrale il y a 46 ans, marié depuis une vingtaine d’années,

papa de trois ados, Jean-Marc - alias "Mr Mindfulness" - vit dans l'Hérault, entre Montpellier et Béziers.

Sur son blog et au travers des différents projets qu'il mène, M. Mindfulness  se positionne avant tout comme un pratiquant qui continue de s'interroger, de découvrir et d'apprendre. Son but : partager l'art de vivre en pleine conscience. Ne représentant aucune confession et ne prêchant rien d'autre que la "vérité" de sa propre expérience, Jean-Marc croit que chacun de nous a le pouvoir, le devoir et la responsabilité de tester l'approche de la "pleine conscience" pour lui-même et d'en tirer ses propres conclusions. C'est tout le sens de son engagement éthique et des projets qu'il soutient, dont le projet de La Pause Méditation, lancé en janvier 2017, avec une équipe "belgo-franco-suisse" et qui propose de trouver ou d'ouvrir des groupes de méditation pleine conscience près de chez soi.

 

Aujourd'hui, il nous parle de Bonheur...

 

Bonjour jean Marc, et merci de nous accorder ce moment.

Peux-tu, pour commencer, nous parler de toi et de ton Parcours..

 

Mon parcours est marqué par différentes pertes. J’ai perdu mon papa très tôt, j’avais 10 ans. J’ai perdu un frère cadet quelques années plus tard dans un accident de moto, un mois avant la naissance de ma nièce. Et j’ai perdu en 2005 un beau père qui était comme un père pour moi, et qui est décédé également dans un accident de la route.

 

Ces épisodes douloureux ont été des opportunités à chaque fois - car à chaque perte il y a un gain - de revenir à des questions essentielles de la vie : qu’est ce qu’il y a de vraiment important dans la vie ? A quoi est ce que je veux dédier ma vie, et à qui ? Et finalement, qu’est ce qui fait que j’aurai une vie heureuse ?

Ces situations m’ont finalement toujours ramené à ces questionnements là. Au cours de ma vie d’adolescent, de jeune adulte et de l’adulte que j’essaye d’être, j’ai cherché à différents endroits, dans différentes traditions, dans différents 'ismes' – comme j’aime le dire – des réponses à mes questions. J’en ai souvent trouvé… et j’ai souvent été souvent déçu. Chacune de mes déceptions m’a amené à quitter un isme pour en rejoindre un autre, parce que j’avais besoin, pendant très longtemps, d’avoir des réponses absolues, des certitudes, à des questions qui sont finalement relatives, contextuelles, et très personnelles.

Il m’a fallu du temps pour comprendre ça.

 

Avec le temps et ma pratique de la méditation pleine conscience, j’ai découvert que je pouvais vivre bien, et peut être même mieux, sans tous mes ismes. Donc j’ai décidé de faire un grand nettoyage dans ma vie, et de trouver la vérité - si elle existe - non pas dans ce que les autres en disent à l’extérieur de moi, mais dans ce que je peux en expérimenter à l’intérieur de mon propre corps.

 

J’aime bien ce proverbe zen qui dit « si tu vois le Bouddha, tue le », qui est un peu provoquant – comment souvent dans le zen – et qui est juste pour moi une façon de me rappeler que si je cherche le Bouddha, je ne dois pas le chercher à l’extérieur de moi.

La réalisation se fait en moi, en chacun d’entre nous. Toutes les questions que je me suis posées m’ont aidé à faire du chemin, et je ne regrette rien du tout. Elles m’ont aidé à comprendre certaines choses et à prendre un peu de recul. A mettre des choses dans des boîtes, puis à les sortir de certaines boites pour les remettre dans d’autres boites, et puis à mélanger les boites.

Aujourd’hui, j’ai envie de continuer à chercher en pensant à l’extérieur de la boite, aussi souvent que c’est possible, parce que j’ai pas envie de passer ma vie dans une boite. Finalement, c’est ce qu’on fait beaucoup. Ma fille aînée est dans un lycée qu’on appelle une boite, ensuite on va travailler dans un boite, on va s’amuser dans une boite, et puis un jour, on finit dans une boite. Et toute notre vie, on l’a passée dans des boites.

Et c’est très bien, le boites ! Il y a quelque chose de carré, de sécurisant.

Mais je réalise que toute pensée qui est mise en boite est adaptée à un contexte particulier, à une époque ou une culture particulière.

Ce que je cherche aujourd’hui, avec autant de simplicité que possible, et j’espère beaucoup d’humilité, ce sont des réponses universelles.

 

Qu’est ce qui nous réunit tous, au delà des boites, au delà des cultures, des expériences personnelles ou de l’éducation qu’on a reçue ? Qu’est ce qui fait de nous des être humains ? Sur quoi on peut se réunir, se retrouver de façon simple, non dogmatique, si possible pas trop intellectuelle ?

Des choses qui peuvent être du ressort de l’expérience, quels que soient les êtres humains, leur couleur, leur taille, leur croyance, leur origine…

Et j’ai trouvé ça au travers du fait de m’asseoir, de respirer – parce qu’on respire tous – et de porter simplement attention, sans aucun jugement, à ma respiration.

 

Quels ont pour toi les secrets pour être heureux ?

 

Je pense que, comme beaucoup d’entre nous, j’ai cherché d’abord le bonheur à l’extérieur.

 

Notre culture a une conception du bonheur un peu particulière. Dans le mot ‘bonheur’, il y a le mot ‘heur’, qui signifie chance.

Dans notre culture, on envisage le bonheur comme un coup de chance. ‘Un jour, le bonheur me tombera dessus’… Un jour, là-bas, ailleurs. ‘Quand j’aurai trouvé le boulot de me rêves, quand j’aurai trouvé la compagne ou le compagnon de mes rêves, quand j’aurai des enfants, quand j’aurai acheté ma résidence principale, puis ma résidence secondaire, quand j’aurai le dernier téléphone, quand j’aurai eu la promotion que j’attends depuis un an dans mon boulot, quand je serai en bonne santé’, etc., etc.…

Et finalement, la conception qu’on a du bonheur, c’est la poursuite de quelque chose qui est à l’extérieur de nous, un peu inatteignable, et qui serait une espèce d’état hyper stable, qu’on atteindrait un peu par hasard. D’ailleurs, on dit « c’est pas nous qui trouvons le bonheur, c’est le bonheur qui nous trouve ».

 

Il y a un mensonge profond, dans notre société de consommation, qui nous encourage à faire l’acquisition, sans cesse, de nouveaux objets. Des choses qui sont extérieures à nous-même, qui apporte une forme de satisfaction passagère.

Nous sommes dans une société du plaisir.

D’ailleurs on confond souvent bonheur et plaisir.

Le plaisir, c’est quelque chose qu’on peut tous vivre, un peu tous les jours, mais qui ne dure pas. Dans ce contexte matérialiste et consumériste, la recherche du bonheur est une espèce d’idéal, lointain, à atteindre, et finalement je ne serai pas heureux tant que je n’aurai pas atteint certains objectifs dans ma vie.

Parfois on attend quelque chose pendant très longtemps, on désire, on fantasme sur cette chose, personne ou situation désirée … Puis finalement quand cette chose-là arrive, le plaisir est de très courte durée. Et ce qui était sensé nous apporter du bonheur devient finalement une nouvelle source d’insatisfaction. Et on se relance dans la quête de quelque chose de plus.

 

La recherche du bonheur a beaucoup à voir avec la représentation que chacun se fait de la vie.

 

Pour moi, il y a 4 questions essentielles, philosophiques :

 

- D’où je viens ? (Question ontologique) C’est une question qu’on s’est tous posée à un moment donné. On nous a expliqué qu’on venait de nos parents, mais on vient de bien plus loin que ça. On a un arbre généalogique, et au-delà des origines qui sont supposées, mais on ne sait pas très bien…

- Où est ce qu’on va ? (Question téléologique) C’est une question qu’on se pose quand on arrive à un certain age. Et qu’est ce qu’on va laisser à nos enfants ? Pour certains, c’est le paradis, pour d’autres c’est quelque chose de très impersonnel, qu’on appelle la vacuité. ça dépend de nos croyances et de notre culture.

- Comment est-ce que je sais ce que je sais ? (Question épistémologique) Comment on apprend, comment on découvre le monde ? Comment le monde que je sais autour de moi est un monde différent de celui qui est perçu par une mouche, ou par un poisson ? Notre façon de voir le monde dépend de la façon dont on est câblé, de l’environnement à l’intérieur duquel on vit. Les apprentissages dépendent aussi de la façon dont on perçoit le monde.

- qu’est ce qui est vraiment important dans la vie ? (Question axiologique). Si on n’accorde pas les mêmes valeurs aux choses, on a une façon différente de percevoir la vie. Si j’accorde de la valeur aux possessions matérielles, je n’aurai pas la même hiérarchie d’importance des choses qui apporte le bonheur que quelqu’un qui n’accorde aucune valeur.

 

Cet axe peut vaciller à certaine période de notre vie.

En sortant des études, il est possible qu’on accorde énormément d’importance à une carrière professionnelle, à l’acquisition d’un certain nombre de biens, à rencontrer la personne avec laquelle on va vivre… et puis les enfants grandissent et les priorités changent, l’ordre d’importance des choses change.

 

Si le bonheur existe – et je crois qu’il existe, il n’existe pas dans des choses qui sont à l'extérieur de moi, ni en dehors des choses auxquelles j’accorde de l’importance.

Le bonheur, pour moi, c’est quelque chose qui se construit, dans un ici et maintenant.

 

S’il y avait un secret concernant le bonheur, ce serait d’apprendre petit à petit, avec le temps, à juste apprécier ce que j’ai, ici et maintenant.

Le bonheur serait dans le contentement vis-à-vis des choses dont je dispose déjà : le logement que j’ai sur la tête, les vêtements que je porte, le fait que j’ai pu manger à ma faim il y a quelques instants, la présence de mes enfants dans la maison, le soleil radieux, le chant d’un oiseau, un coucher de soleil…. Des choses très simples qui nourrissent ma compréhension que lorsque je suis simplement présent ici et maintenant, il se passe toujours quelque chose.

Alors je peux nourrir ce sentiment de joie dont parlent Nietzsche ou des gens comme Frédérique Lenoir. Ce sentiment de joie qui me donne la confirmation que j’existe et que ma vie vaut le coup d’être vécue. Non pas là bas, ailleurs, dans un autre temps, mais juste ici, à cet instant précis. Ce sont les choses les plus simples et qui coûtent le moins en termes financier qui nous rendent le plus heureux. Un repas avec ses amis, un câlin avec ses enfants…

 

Le bonheur est toujours présent, à chaque instant, pour peu que je sois prêt à faire taire ce brouhaha que j’ai à l’intérieur de ma tête et qui m’emmène loin dans le futur, ou me ramène loin dans le passé.

 

Peux-tu nous expliquer en deux mots ce qu’est la méditation de pleine conscience ?

 

La méditation de pleine conscience est une pratique laïque, non religieuse, qui consiste à être simplement attentif à ce qui émerge dans ma conscience, ici et maintenant, sans porter aucun jugement.

 

La méditation est-elle un outil pour atteindre le bonheur ?

 

Le soucis de vouloir faire un ‘outil’ de la méditation, c’est qu’on risque d’instrumentaliser une pratique qui n’est pas destinée à atteindre un but ou un objectif.

Beaucoup de gens, dans ce milieu, reprochent le fait que la méditation rentre dans l’entreprise, ou soit utilisée dans le domaine de l’éducation, sportif…parce qu’on en fait un objet d’utilité.

Dans notre conception occidentale, la méditation est une activité parmi d’autres activités. On est tenté de vouloir utiliser la méditation pour être plus en forme, pour avoir une meilleure santé, être plus performant…

Cette attitude, qui est celle de notre société sur plein d’aspects, peut nous emmener dans certains abus, qu’il faut savoir reconnaître, dénoncer et prévenir.

 

Méditer, c’est une activité, mais c’est plus de ça. C’est tout un processus.

C’est à la fois un chemin et une destination. Dans les traductions originelles, le mot méditer signifie aussi ‘devenir’.

Il s’agit de devenir ce que l’on est déjà, en réalité.

Prenons l’exemple du sculpteur, qui fait sortir une sculpture du roc. Dans l’esprit du sculpteur, la sculpture est déjà dans le roc. C’est un peu la même chose avec le processus de méditation. Tout est déjà là. Au travers du processus de méditation - au delà de s’asseoir et ne plus bouger, les yeux fermés… l’idée est d’amener une pratique d’attention dans chacun des aspects de sa vie. Faire la vaisselle, faire l’amour, se promener dans la nature, dans une attitude attentive à se qui se passe ici et maintenant.

 

Méditer, c’est plus qu’un outil ou une attitude, c’est un style de vie. C’est une façon d’être au monde, d’être en relation avec soi même et l’autre.

Si le fait de commencer avec la méditation en se disant : ‘c’est un outil qui va m’aider à être moins stressé, mieux dans ma peau et dans mes relations, à gérer un certain nombre de problématiques’… est une première étape, je dis « très bien ». À condition de réaliser aussi que la méditation est censée nous conduire vers quelque chose de plus.

 

Une orientation vers soi-même, mais aussi vers l’autre. Mieux accueillir l’autre, avec plus de bienveillance, de compassion, de partage et d’ouverture…

Comme on vit dans une culture très égotique, orientée vers le soi, on commence souvent le chemin de la méditation par ce que ça va m’apporter à moi. Et si ça m’apporte des bienfaits à moi, alors peut-être que je vais creuser sur le chemin, et découvrir quelque chose de plus.

Sur le chemin de la méditation, il y a cet équilibre à trouver, éveiller au fait que méditer c’est retrouver quelque chose qui est déjà là. Tout est déjà là.

Le bonheur est déjà ici et maintenant. Et tout ce que la méditation peut offrir est déjà présent ici. Il s’agit de faire tomber tout ce qu’il y a sur le rocher, pour faire sortir l’œuvre d’art qui est déjà présente.

 

Selon toi, le bonheur est-il possible sans spiritualité, sans intériorité, sans se retrouver à un moment seul avec soi-même ?

 

Ça me paraît difficile. Je ne connais pas tous les contextes, ni toutes les histoires personnelles, tellement variées et surprenantes, mais de ce que j’ai pu expérimenter sur mon propre parcours, j’ai du mal à concevoir le bonheur sans intériorité.

 

Pour moi, tout va toujours de l’intérieur vers l’extérieur. C’est un retour vers soi qui est fait dans la recherche du bonheur, et pas une quête vers quelque chose d’extérieur. Donc l’intérieur me paraît non seulement nécessaire, mais incontournable, pour prendre conscience de ce qui est déjà là. Comme il est dans la nature de l’esprit humain d’être projeté ailleurs, loin dans le futur ou le passé, il est nécessaire de passer par un chemin d’intériorité pour être plus heureux.

 

Aurais-tu des coups de cœur bonheur à partager ?

 

Parmi les grands classiques sur le sujet, un livre : Plaidoyer pour le bonheur de Matthieu Ricard.

Un petit livre très court et très simple, que je ne peux que recommander. Il est intéressant parce qu’à la croisée de deux cultures. Un scientifique de haut vol, nourri et pétri d’occidentalité, qui part dans l’Himalaya, dans un ermitage, et qui découvre le bouddhisme, le pratique pendant des années et devient moine. Il y a des ponts intéressant au travers de ce livre.

 

 

 

 

Où trouver l'actu de Mr Mindfulness :

Le blog de Mr Mindfulness

la page facebook de Mr Mindfulness

Meditation pleine conscience avec Mr Mindfulness

La Pause Méditation

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article